lundi 15 juin 2009

Comme un air de déjà-vu : du coup de tonnerre de 2002 à la claque de 2009

Ces élections m’ont laissé un arrière-goût de déjà-vu. Tandis que les commentateurs rivalisent de superlatifs pour qualifier le score décevant des socialistes européens: défaite, débâcle, déroute, claque, coup de massue… une expression me vient en tête, une expression qui m’avait tant marquée il y a maintenant 7 ans : « comme un coup de tonnerre ». C’est le titre d’un documentaire sur la campagne de Lionel Jospin à l’élection présidentielle de 2002. Une équipe de journalistes l’avait suivi les six derniers mois de sa campagne, jusqu’au coup de tonnerre final: Chirac en premier, Le Pen en deuxième avec près de 20% des voix, Jospin en troisième à 17,4%, éliminé. Plus qu’un coup de tonnerre, cet évènement a été un véritable électrochoc pour moi, comme pour toute une génération de jeunes Français. J’habitais à Grenoble où j’étudiais les sciences politiques. Comme beaucoup, je n’avais pas voté. J’étais loin de mon bureau de vote à Paris. Mes parents étaient en vacances. Eux non plus n’avaient pas voté. Mon frère non plus. En fait, pour la première fois, personne dans ma famille - pourtant si civique d’habitude – n’avait voté. Oui voilà, c’était les vacances. Les parisiens étaient partis. Ils s’étaient dit qu’ils reviendraient voter pour le deuxième tour puisque le deuxième tour voyait toujours s’opposer le candidat du RPR/UDF et celui du PS. Seulement voilà, nous étions tellement nombreux à nous être dit cela que l’inimaginable est arrivé. Le PS éliminé. Pire, le PS dépassé par l’extrême droite. Comme des millions de sympathisants de gauche, j’ai été terrifiée. C’est à ce moment là que j’ai décidé de m’engager en politique.

Alors oui, les élections européennes de 2009 me rappellent étrangement le goût amer de l’élection présidentielle française de 2002 :

  1. Une tendance pourtant favorable à la gauche. Jospin avait fait du bon boulot. Premier ministre depuis 5 ans – un record en France – il avait fait passé des lois importantes comme les 35h et la couverture maladie universelle. Il était assez populaire. Le PS était fort, avait un bon bilan et avait donc une avenue devant lui, tout comme les partis du PSE cette année. En ce contexte de crise économique, où la majorité des gouvernements européens sont à droite, en ces temps où les plus libéraux en viennent à adopter des méthodes traditionnellement socialistes, les partis de centre-gauche partaient favoris. Newsweek titrait « We Are All Socialists Now ». Pourtant, les partis membres du PSE ont subi de lourdes défaites dans la plupart des pays européens.
  2. Une abstention forte qui pénalise la gauche. C’était les vacances en 2002. En 2009, les élections européennes sont tombées pendant le long week-end de la pentecôte. Il faisait beau. Résultat, une abstention record dans les deux cas. Dans les deux cas aussi, le sentiment que les enjeux n’étaient pas importants, peu lisibles en tout cas. En 2002, on se demandait pourquoi aller voter au premier tour de l’élection présidentielle quand il ne faisait aucun doute que le deuxième tour présenterait un choix entre les candidats du RPR/UDF et du PS. Parce que ça avait TOUJOURS été comme ça. En ce qui concerne les élections européennes, c’est bien connu, les enjeux ne sont pas clairs, on ne comprend pas bien à quoi ça sert. De plus, un taux fort d’abstention dessert plus la gauche qu’il ne dessert la droite. Les électeurs de droite sont plus disciplinés et loyaux. Les personnes âgées votent le plus souvent à droite et vont toujours voter, elles. Les jeunes, qui votent plus majoritairement à gauche, sont aussi ceux qui vont le moins voter.
  3. Une gauche divisée qui se tape dessus. En 2002 comme en 2009, de nombreux électeurs de gauche avaient voté pour les Verts. Traditionnellement, au premier tour de l’élection présidentielle, les électeurs de gauche papillonnent. Ils votent pour les Verts, le PC ou plus à gauche encore, parfois parce que le discours de ces partis les attire plus, parfois pour donner un avertissement au PS. Au premier tour, on se lâche. Au second tour, on vote utile. Les élections européennes sont comme un premier tour d’élection présidentielle : le vote de gauche y est éclaté. En 2002 comme en 2009 aussi, les différents partis de gauche se sont fait la guerre entre eux plutôt que contre la droite.

Enjeux peu lisibles, abstention record, division de la gauche : même recette, même résultat, une défaite des partis socialistes au profit des plus petites formations de gauche. Il s’agit d’une grille d’analyse parmi d’autres. Elle n’a pas prétention à être exhaustive. J’en utiliserai d’autres. Il y a tellement à dire sur ces élections.

1 commentaire:

Gilles a dit…

Analyse non exhaustive mais sacrément pertinente et qui résume assez bien la situation actuelle

Toujours est-il que je me reconnais totalement dans ton récit du 21 avril 2002. A cette époque je n'avais pas pû voter (j'étais mineur) mais il est clair que ce coup de tonnerre m'a conforté dans mes convictions socialistes et m'a poussé à rejoindre le PS

Salutations

Gilles